Tiers-lieux : état des lieux post Covid-19

Tiers-lieux : état des lieux post Covid-19

Alors que la crise du Covid-19 a révélé de façon spectaculaire l’existence, l’utilité et l’agilité des tiers-lieux français, elle a également contribué à fragiliser encore un peu plus ces structures collaboratives déjà sur le fil du rasoir sur le plan économique. Dans ce contexte, l’essor du télétravail pourrait constituer une opportunité intéressante à l’heure où les tiers-lieux doivent se réinventer.

 

Tiers-lieux et Fab Labs ont gagné en visibilité durant la crise du Covid-19

S’il est un secteur sur lequel la crise du Covid-19 a eu un impact positif en termes de visibilité, c’est bien celui des tiers-lieux. Au-delà des contraintes auxquelles ces espaces collaboratifs ont été soumis (au même titre que toutes les entreprises empêchées d’accueillir leurs salariés dans leurs locaux), les tiers-lieux (Fab Labs, makerspaces, Start-up technologiques, etc.) ont souvent fait la une de l’actualité durant cette période en attirant l’attention à travers des initiatives agiles, innovantes et surtout solidaires. Dans un contexte de pénurie globale de matériel médical et paramédical, nombre de Fab Labs se sont ainsi mobilisés à travers le pays pour pallier aux carences d’approvisionnement dont a souffert le secteur hospitalier.

Fabrication de respirateurs artificiels par le collectif français « Makers For Life” (réunissant un groupe d’entrepreneurs nantais, de makers, de chercheurs, de professionnels de santé et d’ingénieurs) ; “détournement” de masques de plongée d’une célèbre marque de distribution de produits sportifs en dispositifs de ventilation d’appoint par un Fab Lab d’Ajaccio ; conception de pousse-seringues via des imprimantes 3D par les makers de l’Electrolab de Nanterre ; création d’une “poignée de coude” afin d’assurer l’hygiène des mains par le Fab Lab de l’ICAM de Toulouse, etc. Pour ne citer que quelques exemples parmi les dizaines, voire centaines d’initiatives collaboratives émanant de Fab Labs bien décidés à ne pas rester les bras croisés durant cette période si particulière. On citera encore des actions en faveur de la fabrication de visières de protection, de masques ou de gel hydroalcoolique.

 

Des tiers-lieux qui ressortent pourtant fragilisés par la crise

Au total, on estime que 90 % des tiers-lieux se sont mobilisés à travers des actions de solidarité, qu’elles soient numérique, pédagogique, alimentaire ou mécanique. L’association France Tiers-lieux estimant à 4 millions le nombre de pièces (visières, masques, valves, etc.) fabriquées durant les 9 semaines de confinement par les tiers-lieux et les makers. En association avec la Fondation de France, un fond de soutien a même été créé pour aider les collectifs œuvrant en faveur du prototypage, de la fabrication et de la distribution de matériel médical. Pourtant, la situation financière de ces espaces (déjà fragile avant la crise du coronavirus), s’est aggravée durant la période. Toujours selon l’association France Tiers-Lieux, la perte de chiffre d’affaires des 1 800 tiers-lieux français (dont 800 situés hors métropole) serait supérieure à 110 millions d’euros avec un risque de disparition pure et simple d’un certain nombre d’entre eux, essentiellement en raison des charges immobilières, et quand bien même, la moitié des tiers-lieux a bénéficié de solutions de compensation (exonération de charges, report de loyers, etc.). Malgré cela, le site Zevillage.net estime que 80 % des tiers-lieux pourraient fermer à cause du coronavirus.

 

L’essor du télétravail : filon à exploiter pour les tiers-lieux ?

Face à cette situation, il s’agit donc pour nombre de tiers-lieux de penser « l’après », au même titre que nombre de secteurs économiques sévèrement touchés par la crise sanitaire. Cet après pourrait passer par une remise en question de l’offre de coworking ouvert à tous, dont la viabilité à moyen terme est discutable. Et surtout par une offre à produire en direction des salariés, notamment ceux ayant fait l’expérience du télétravail, une formule présentant certes de nombreux avantages, mais aussi des inconvénients dont les tiers-lieux pourraient tirer avantage en se positionnant comme une alternative pertinente entre le bureau de l’entreprise et le bureau à la maison. Le télétravail propose ainsi une piste de développement à exploiter sur le chemin de la remise à flot des tiers-lieux, où les espaces de coworking pourraient se placer comme des solutions avantageuses, car très flexibles et socialisantes, pour les entreprises. Avec l’avantage non négligeable de réduire les temps de déplacement et la distance entre lieux de travail et habitation pour les salariés. Assurément une piste à creuser.